52 Portraits
« Chacun porte en lui une histoire. Une raison simple de faire des rencontres. »
Infirmière de profession, Alyson vit actuellement sa première grossesse. Ces mots s’échangent donc entre quatre six yeux sur un banc, au milieu d’un village de campagne.
Elle avait une passion : la danse classique. Mais les moqueries l’ont poussée à arrêter vers quatorze ans. En cause ? Son style décalé de l’époque contrastant avec le tutu rose. Des broutilles d’adolescence pour certains, mais un véritable frein pour elle. Pourtant, ces mots raisonnent dans sa bouche : « J’adorais. J’aimais le classique et j’aime toujours. J’étais faite pour ce type de danse. »
Sa plus grande attache reste sa famille. Et pour cause : « Mon papa buvait et comme ma maman devait travailler, ma grande sœur s’occupait de ma petite sœur et moi. Ces expériences là, ces conflits, maman qui faisait beaucoup et papa qui n’était pas là, m’ont permis de mûrir. Quand j’étais avec des jeunes de mon âge, on partageait pas la même chose. C’était assez difficile par moment. Mais en même temps, on nous a inculqué de quoi nous en sortir. On devient aussi plus reconnaissant envers certaines personnes. Difficile ensuite de voir des gens s’inquiéter pour rien. »
À son tour, à elle de devenir maman. Je lui demande comment elle vit sa maternité. Elle me confie son euphorie complète du début, la concrétisation du projet, etc. Mais ensuite, elle avoue être passée par la peur aussi, entremêlée de joie intense. Si elle pense sincèrement que c’est quelque chose de magique en raison de cette vie qui émerge au fin fond de soi, c’est aussi à ses yeux une prise de conscience quant aux responsabilités, à ce qu’il y a à mettre en place. Quel sentiment beau, étrange et puissant à la fois.
Elle me dit également que son modèle est sa maman. Un équilibre entre justesse et amour maternel. Gâter ses enfants, être ce parent à qui ils peuvent se confier, être là, mais ne pas les pourrir. Ce juste milieu, elle le tempère par cette prise de conscience que les paroles « Je veux être comme ça » aboutissent malgré tout à des erreurs.
Bercé par son enthousiasme, je lui demande ce qui l’anime au plus profond d’elle : « Ce qui fait que j’arrive à toujours trouver le bonheur, c’est en cherchant le positif dans ce qu’on a et en construisant avec. Se dire « Comment transformer quelque chose de négatif pour en faire du positif ». Il y a des jours sans. Mais il faut laisser ce négatif derrière, voir ce qu’on a, et avancer. Regarder autour de soi. S’arrêter lors d’un diner à table, voir ses amis boire un verre, les petits courir, juste s’émerveiller. Prendre le temps de regarder. »
Je lui demande comment relier cette philosophie de vie à un métier chronophage et énergivore comme le sien. Elle me dit qu’elle essaye justement d’apporter ce côté positif et d’aider les personnes dans leur douleur, leur permettre d’aller de l’avant. Le plus difficile pour elle, ce sont ces gens qui s’enferment bec et ongle dans une émotion négative. Elle me donne pour exemple un deuil qui, rappelons-le, ne porte pas que sur une personne décédée, mais peut concerner un patient dont l’état change (prothèse de hanche, retrait de l’utérus, etc.). Ce qui la marque, c’est le contraste entre quelqu’un qui apprend qu’il va mourir et avec qui elle échange réellement sur une éthique de vie où l’objectif est de profiter de l’instant présent, et quelqu’un qui vient pour une chirurgie réparatrice et avec qui elle échange peu. Parler avec ses patients, c’est apprendre à les connaître, tout en restant dans la relation soignant-soigné. Elle me parle également de la réciprocité de ces échanges : si elle peut permettre à un patient de donner une consistence à sa pensée, ce dernier peut également l’inspirer. À force de cheminement dans pareil environnement, la plus grande force que chacun peut avoir c’est de prendre ce qu’il a et essayer d’être heureux avec.
Et de terminer : « On peut faire des erreurs, le tout c’est de savoir les reconnaître et rebondir pour mieux avancer. »
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